mercredi 18 avril 2012

Permis de tuer !


Le 9 avril dernier un incident s’est produit en mer 15 miles à l’ouest de Belle ile. Le Lady Ozge chimiquier de, 120m a heurté un chalutier de Lorient le Père Milo. Deux hommes étaient à bord du chalutier l’un est disparu l’autre a été hélitreuillé et est sauf ; le chalutier lui a coulé.

Cet incident s’est déroulé hors des eaux territoriales. Le cargo a bien voulu s’arrêter et mouiller au large de l’ile de Groix. Vous avez bien lu « a bien voulu » car en eau internationale le Lady Ozge pouvait très bien poursuivre sa route comme si de rien n’était ; il n’était pas obligé d’obtempérer ! Les règlements internationaux sont formels il n’a de compte à rendre qu’à son pavillon en l’occurrence la Turquie !
Une remarque pour dire que depuis on en a plus entendu parler, campagne prioritaire oblige.
Que s’est-il passé réellement? On aimerait bien le savoir mais on peut le supposer. Sur le chalutier ils étaient deux à bord et venaient de cesser la pêche. Sur le Cargo 14 hommes formaient en tout et pour tout l’équipage.

Pour avoir navigué moi-même durant cinq ans, je peux vous dire que tous les marins savent qu’ il faut pour assurer une veille efficace deux hommes en permanence à la passerelle surtout lorsqu’on navigue à proximité du littoral. A raison de trois quarts de 8h, cela fait déjà 6 hommes d’occupés à plein temps, on y ajoute le commandant, le cuisinier , 2 ou 3 personnes pour entretenir la machine, un électricien, le radio lui a disparu des navires, il ne reste donc plus que trois marins pour l’entretien courant du navire et de l’équipage, c’est peu. Alors pas besoin de dessin pour deviner ce qui se passe, reste au mieux à la passerelle un officier qui ne fait pas uniquement la veille : Il y a la route à tracer, les avurnavs (avis urgents aux navigateurs) à gérer à classe : le téléimprimeur débitant à tour de bras, il faut déterminer les avis qui concernent le navire et sa route auparavant c’est le Radio qui effectuait ce tri.
Alors pas étonnant qu’un petit chalutier ne soit pas aperçu !

Ainsi pour éviter tout ennui il suffit aux cargos de demeurer en zone internationale et d’avoir à la poupe un pavillon de complaisance, on est ainsi paré contre tout emmerdement de la part de la justice du pays concerné !
Dans le même temps l’affaire de l’Erika est remontée à flot pour confirmer s’il en était besoin l’immunité dont jouissent les pollueurs et meurtriers des mers.
Ainsi en mer dans la zone internationale on peut polluer et tuer impunément, les nations délivreurs de pavillon étant par leur nature même complaisantes.
A l’époque où je naviguais outre deux hommes de quart à la passerelle nous étions entre 35 et 40 hommes d’équipage sur un cargo de taille équivalente, ce qui permettait une disponibilité certaine du personnel en cas d’incident ou d’avarie. De plus nous naviguions sous pavillon français et tout incident en mer donnait lieu à un rapport de mer déposé au tribunal de commerce du port d’attache ou du premier port français touché.

Cet état de fait a disparu fin des années 60 avec l’apparition des pavillons de complaisance et ainsi la marine marchande a été la préfiguration de ce qu’allait devenir la globalisation telle que nous la vivons à l’heure actuelle. La Marine marchande a donc été précurseur en la matière. Et nous n’avons pas perçu ce qui allait arriver : l’extension des pavillons de complaisance à la finance, à l’industrie, au commerce et plus récemment à Internet etc….


Si tout a ainsi changé c’est au détriment des nations démocratiques donc un recul évident de cette démocratie au profit d’une espèce de no man’s land international quasiment dépourvu de lois ou réglementations où le peu de règlements qui existaient n’ont pas évolué pour le plus grand bonheur des spéculateurs, financiers, trafiquants et gougnafiers, de tout poil. Et dont profitent également les multinationales sans scrupules.
En l’absence de cette réglementation mondiale dont personne ne parle et ne désire, trop d’intérêts mercantiles sont en jeu, nous sommes condamnés à évoluer vers de moins en moins de démocratie et les consultations populaires, élections, référendums seront à ranger dans la panoplie des gadgets uniquement pour distraire le peuple, les choses importantes , essentielles étant décidées et réalisées hors de leur pouvoir.

Entre le riche et le pauvre, le maître et l’esclave la loi libère et la liberté enchaîne
Lacordaire (1848)

3 commentaires:

MARINE INCONNUE a dit…

On ne le dira jamais assez!
Le site-captain de "souvenirs de mer" et de
http://marine-inconnue.blogspot.fr/2011/03/contenu-de-marine-inconnue.html

MARINE INCONNUE a dit…

D'autre part, au-delà de ce récent accident stupide au cours duquel le pire ne fut heureusement pas commis
(contrairement à quelques autres "affaires de pêcheurs"*)
J'ai été particulièrement choqué par les récentes tentatives de Total d'échapper à ses responsabilité dans l'affaire de l'Erika:
http://souvenirs-de-mer.blogdns.net/spip.php?article344
Et oui... Devons-nous conclure que les entreprises ont le droit de faire absolument n'importe quoi? C'est l'idéologie dominante actuellement, nous devons la renverser, pour l'avenir de nos enfants!

Tristes affaires de pêcheurs*:
http://marine-inconnue.blogspot.fr/2008/05/sokalique-et-ocean-jasper-pcheurs.html
http://marine-inconnue.blogspot.fr/2008/04/le-bugalez-breizh-nous-hante.html

MARINE INCONNUE a dit…

http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=119628
(le 16 Mai 2012) Hélas, mes pronostiques ou suppositions les plus pessimistes, quand il y a plus de 10 ans la situation de la Somalie est concrètement devenue grave, se réalisent: L'ambiance "Western" s'installe au large, pour ne pas dire au grand large! Il est bien évident que certains "intervenants" ou "sociétés de services" se révèleront d'ici pas longtemps, parfois aussi dangereux sinon plus, que les pirates. Affaire à suivre, hélas...

Ceci dit, quiconque s'intéresse aux pirates est invité à passer à mon bord aussi, sur cette page:
http://marine-inconnue.blogspot.fr/2008/10/liens-avec-tous-les-pirates.html