Chronique d’une faillite annoncée

Gaël Giraud est Jésuite et économiste de formation, Normal sup Ulm et thèse économique à l’X , a travaillé comme trader et a fait deux ans de coopération en Afrique.
Gaël Giraud a donné en janvier 2011 une conférence à l’X dont le thème était « Regards chrétiens sur la crise économique ».
J’ai eu en main le compte rendu intégral de cette intervention et en lisant ce texte, étant ignare en économie, je me suis aperçu que Gaël nous révélait très clairement beaucoup de choses jamais entendues auparavant que ce soit dans les médias ou de la part des politiques.
Politiques qui d’ailleurs d’après Gaël à quelques exceptions près n’y comprennent rien !

En résumé, cette crise est la faute de tous mais à des degrés divers.
Il nous décrit le monde de la finance et cela nous donne froid dans le dos. Avant d’en venir à sa conférence, à mon humble avis le vrai point de départ a été la libéralisation des marchés financiers instaurée par Reagan et Tatcher, apprentis sorciers mal conseillés et qui ont lâché les chiens.

Ensuite plus près de nous, et c’est Gaël qui parle, la Federal reserve en la personne de Mr Greenspan qui a ouvert la porte grande au crédit immobilier pour les plus pauvres qui pouvaient empiler les prêts sans risques (parole de banquier) leur maison prenant chaque année de la valeur. Jusqu’au jour, en 2007, où un retournement de conjoncture a effondré le marché de l’immobilier et les emprunteurs n’ont pu rembourser leur crédit la valeur de leur maison se révélant inférieure à leurs emprunts. Les banques les ont donc lâchés.
Ce que j’ai appris :
1) Non content d’effectuer de la titrisation (transformation d’une créance en actif financier) avec les prêts insolvables, les financiers ont mis ces actifs sur le marché en les mixant avec d’autres éléments financiers plus attrayants afin de noyer le poisson. Gaël appelle cela le millefeuille : la crème est au-dessus et l’on se casse les dents sur la croûte située en dessous.

2) Toutes les banques ont été pourvues de ces créances cachées et qui sont tombées subitement à la valeur 0. Qu’à cela ne tienne les banques ne pouvant présenter un bilan correct avec ces valeurs devenues nulles sur le marché on fait modifier par L’IASB (bureau des standards comptables internationaux) les normes comptables et par ce tour de passe passe les créances nulles sont devenues positives ! ! ! Alors quant on vous clame qu’il n’y a aucun soucis avec les banques d’affaires, elles sont solides, on vous ment.

3) Faillite de Lehman Brothers : pourquoi cette banque plus que centenaire a subitement fait faillite ? A cause de la pratique des CDS(credit defaut swap) contrats d’assurances sur des institutions ou des personnes et qui sont échangés de gré à gré sur des marchés opaques (en toute légalité) à l’insu de la personne ou de l’institution concernée. Ainsi d’autres banques ont négocié des CDS sur Lehman s’assurant contre sa faillite et ont gagné plus à la disparition de cette banque que si Lehman avait remboursé leur créance… très instructif !

4) Ainsi concernant la Grèce, c’est une autre banque qui a aidé les autorités grecques à maquiller leur compte pour pouvoir rentrer dans la Zone Euro :Goldman Sachs. La même qui maintenant grâce à des CDS a plus intérêt à la faillite de ce pays qu’à son redressement ! C’est beau la finance mondiale… Toujours en toute légalité ! ! !
Gaêl nous explique que les marchés financiers sont devenus le veau d’or de la bible et même que les financiers se prennent pour Dieu :
Ils sont omniscients, omnipotents, mais à la différence de Dieu ils ne sont pas bienveillants !
J’ajouterai qu’omniscients, omnipotents et malveillants ce pourrait être une bonne définition du fascisme ! A la différence près qu’avec le fascisme du XXème siècle les manipulateurs étaient clairement identifiables, alors que là ils se fondent totalement derrière « les marchés » . Ces marchés financiers qui sont anonymes, impersonnels, et dans lesquels personne ne porte véritablement de responsabilité.
Ce serait très intéressant de savoir combien de CDS ont été contractés par nos prêteurs en cas de faillite de la France ?

5) Le yoyo boursier que nous constatons depuis les années 2000 est simplement un effet boule de neige voulu : on lance une rumeur ou quelqu’un fait une erreur et c’est immédiatement les bourses qui dégringolent, même si vous savez que la rumeur est fausse vous êtes emmenés par la panique, et vous êtes obligés de suivre si vous ne voulez pas perdre. Gaël cite l’exemple de Mr Busch, qui, était un immense spécialiste en économie, c’est bien connu ! lors d’une visite au Japon en 2002 a confondu déflation avec dévaluation : « le Japon va connaître une dévaluation », Tout le monde se mit à vendre du yen et en quelques heures il perd 2 à 3% sur le Dollar ! Par qui sommes nous dirigés ! ! ! !
Ainsi Gaël appelle cela une prophétie auto-réalisatrice je cite Gaël « Il suffit qu’une personne ayant suffisamment d’autorité sur les marchés financiers dise quelque chose, même si c’est complètement idiot, pour que les marchés financiers se disent : tout le monde va le croire, donc j’ai intérêt à faire comme si c’était vrai même si je sais pertinemment que c’est faux.

6) Le creusement des inégalités en France, Allemagne, Etats-Unis… est inouï.
« Il faut remonter aux années 20, 30 pour retrouver le niveau des inégalités que nous connaissons aujourd’hui »
Au début du 20ème, dans les entreprises la différence entre les salaires les plus élevés et les plus faibles était de 1 à 20, après la guerre 1 à 50, aujourd’hui 1 à 2000 ! L’exemple cité est celui des polytechniciens qui partent à la City de Londres et gagnent ainsi à compétence et expérience égales 30% de plus sur leur salaire que leurs homologues travaillant en France dans l’administration ou des entreprises non financières. Tout ça pour triturer les comptes et je cite Gaël. Si vous me donnez un actif structuré, donc un millefeuille suffisamment compliqué, et vous me dites « Mon garçon je veux que cela vaille tant « Vous me laissez quelques jours, et je vous fais un modèle mathématique suffisamment compliqué pour que cela vaille ce que vous voulez. Et personne ne comprendra la page de maths jointe et qui a permis la valorisation de ce millefeuille !
De plus les fonds LBO (Leverage-buying-out)demandent aux entreprises un rendement de 15% alors que l’économie ne croit que de 2 ou 3% l’an donc 15% c’est impossible dans la durée sauf à renoncer aux investissements à long terme et à faire perdurer une politique salariale au niveau le plus bas, d’où délocalisation vers les pays à bas salaires.
Sans oublier au passage le démantèlement des services publics qui à terme augmente les inégalités sociales.

7) La question énergétique : pour l’instant le yoyo du prix du pétrole est du uniquement aux marchés financiers qui pèsent trente fois plus lourd que le marché réel nous dit Gaël. Mais à court terme l’extraction du pétrole coûtera de plus en plus cher à tel enseigne que les coûts du transport deviendront prohibitifs (les trente tonnes électriques n’étant pas pour demain ni après demain d’ailleurs), ainsi exit les longs trajets en camion de même la voiture particulière sera d’un coût exorbitant pour les revenus modestes.

Par ailleurs tout ce qui est décrit ci-dessus est parfaitement légal, à quelques exceptions près qui ne sont d’ailleurs que très peu sanctionnées. Aussi il faut changer les règles au niveau mondial et le G20 se heurte à des pays qui vivent essentiellement de cette dérégulation voulue par les apprentis sorciers que furent Reagan et Tatcher. Le meilleur exemple étant l’Angleterre avec la City. Ainsi le consensus se révélant difficile voir impossible, nous courrons à la catastrophe. Les marchés financiers pulvérisant dans les faits la souveraineté des états. De plus au niveau européen on a abandonné le pouvoir de création monétaire par la BCE (banque communautaire européenne) là c’est le diktat allemand qui nous empêche de la réformer afin qu’elle soit plus démocratique, et puisse créer de la monnaie afin d’en prêter aux états en difficulté.
Démocratie d’ailleurs très peu présente au niveau des institutions européennes en général.
Ceci n’oblitère en rien la responsabilité de la France qui a laissé sa dette s’amplifier au fil des années se mettant à la merci des requins de la finance sa dette étant en grande partie dans des mains étrangères.
En conclusion dixit Gaël « Je ne vois pas comment nous échapperons dans les années qui viennent à de nouveaux cracks financiers et à la faillite d’un certain nombre de pays en Europe »
Je pense qu’en révélant toutes ces choses Gaël en particulier et les jésuites en général notamment avec leur site que je vous recommande http://www.ceras-projet.org/ prennent le risque d’une manière ou d’une autre de se faire interdire comme cela s’est produit à de multiples occasions au cours des siècles.

Pour avoir dit la vérité, ils seront exécutés. (Guy Béart)